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Comtesse de Ségur

Portrait

Voici le portrait de celle qui fut autrefois la plus illustre habitante de Pluneret :

Sophie Rostopchine, comtesse de Ségur, en son temps écrivaine française. Très célèbre, elle est un peu tombée dans l’oubli, à cause de quelques intellectuels parisiens qui la jugeaient sévèrement. De nos jours la tendance est plutôt à la réhabilitation…

Mais qui était donc la Comtesse de Ségur?

  • Une aristocrate russe de la plus haute origine : son père fut un ami du tsar et le gouverneur de Moscou, celui-là même qui aurait mis le feu à la ville pour contrarier les projets guerriers d’un certain Napoléon…
  • Une grand-mère « gâteau » un peu délaissée par son mari et qui s’ennuyait, qui a écrit par amour de ses petits-enfants : elle en aura vingt, auxquels elle dédie ses oeuvres.
  • Une écrivaine à succès et plutôt prolixe, bien qu’elle commence à écrire à plus de 50 ans, elle est l’auteur de 25 ouvrages, dont les fameux romans, comme Les malheurs de Sophie ou Diloy le chemineau ou L’auberge de l’ange gardien.
  • Une dame très « bien-pensante » qui, comme le dit Maec Soriano, « prêche la morale de sa caste : respect de l’ordre établi qui est manifestement voulu par Dieu, patience pour les uns, générosité et bon vouloir pour les autres, antisémitisme et horreur des parvenus, respect pour l’argent, etc… »
  • Une fine observatrice des choses et des gens, qui sait raconter des histoires et mettre dans la bouche de ses personnages des propos et des dialogues vivants, « naturels », convaincants.Et pour nous, Plunerétains, une amoureuse de la Bretagne, de ses paysages, de ses habitants, et qui a choisi de reposer en terre plunerétaine, après plusieurs séjours au château de Kermadio.

Pour en savoir plus

Le musée, à Aube, dans l'Orne Consulter le site
Sépultures des enfants et petits-enfants de la Comtesse Consulter le site

Couverture d'une édition de 1930

Il faut bien sûr lire la Comtesse. Voici un petit échantillon de sa prose, le début de « L’auberge de l’ange gardien ». Une histoire charmante et sentimentale, qui enchanta nos jeunes années. (Mais : « Je vous parle d’un temps. Que les moins de cent ans ne peuvent pas connaître… ») Deux enfants, deux frères, Paul et Jacques, brutalisés par la vie, abandonnés, puis recueillis, élevés et chéris par des gens généreux et adorables… »Oh là là…que d’émotions !!!… »

 

Il faisait froid, il faisait sombre, la pluie tombait fine et serrée; deux entrants dormaient au bord d’une grande route sous un vieux chêne touffu : un petit garçon de trois ans était étendu sur un amas de feuille, un autre petit garçon de six ans, couché à ses pieds, les lui réchauffant de son corps; le petit avait des vêtements de laine, communs, mais chauds, ses épaules et sa poitrine étaient couvertes de la veste du garçon de six ans, qui grelottait en dormant; de temps en temps un frisson faisait trembler son corps : il n’avait pour tout vêtement qu’une chemise et un pantalon à moitié usés; sa figure exprimait la souffrance, des larmes à demi séchées se voyaient encore sur ses petites joues amaigries. Et pourtant il dormait d’un sommeil profond, sa petite main tenait une médaille suspendue à son cou par un cordon noir, l’autre main tenait celle du plus jeune enfant, il s’était sans doute endormi en la lui réchauffant. Les deux enfants se ressemblaient, ils devaient être frères, mais le petit avait les lèvres souriantes, les joues rebondies, il n’avait dû souffrir ni du froid ni de la faim comme son frère aîné.

Les pauvres enfants dormaient encore quand, au lever du jour, un homme passa sur la route, accompagné d’un beau chien, de l’espèce des chiens du mont Saint-Bernard.
L’homme avait toute l’apparence d’un militaire; il marchait en sifflant, ne regardant ni à droite ni à gauche; le chien suivait pas à pas. En s’approchant des enfants qui dormaient sous le chêne, au bord du chemin, le chien leva le nez, dressa les oreilles, quitta son maître et s’élança vers l’arbre, sans aboyer. Il regarda les enfants, les flaira, leur lécha les mains et poussa un léger hurlement comme pour appeler son maître sans éveiller les dormeurs. L’homme s’arrêta, se retourna et appela son chien:

« Capitaine ! ici, Capitaine !  »

Capitaine resta immobile; il poussa un second hurlement plus prolongé et plus fort. Le voyageur, devinant qu’il fallait porter secours à quelqu’un, s’approcha de son chien et vit avec surprise ces deux enfants abandonnés. Leur immobilité lui fit craindre qu’ils ne fussent morts, mais, en se baissant vers eux, il vit qu’ils respiraient; il toucha les mains et les joues du petit, elles n’étaient pas très froides, celles du plus grand étaient complètement glacées; quelques gouttes de pluie avaient pénétré à travers les feuilles de l’arbre et tombaient sur ses épaules couvertes seulement de sa chemise.

« Pauvres enfants! dit l’homme à mi-voix; ils vont périr de froid et de faim, car je ne vois rien près d’eux, ni paquets, ni provisions. Comment a-t-on laissé de pauvres petits êtres si jeunes, seuls, sur une grande route? Que faire? Les laisser ici, c’est vouloir leur mort. Les emmener ? J’ai loin à aller et je suis à pied, ils ne pourraient me suivre.

Pendant que l’homme réfléchissait, le chien s’impatientait; il commençait à aboyer; ce bruit réveilla le frère aîné ; il ouvrit les yeux, regarda le voyageur d’un air étonné et suppliant, puis le chien qu’il caressa en lui disant :

Oh ! tais-toi, tais-toi, je t’en prie, ne fais pas de bruit, n’éveille pas le pauvre Paul qui dort et qui ne souffre pas. Je l’ai bien couvert, tu vois; il a bien chaud.

– Et toi, mon pauvre petit, dit l’homme, tu as bien froid !

L’ENFANT
Moi, ça ne fait rien, je suis grand, je suis fort, mais lui, il est petit, il pleure quand il a froid, quand il a faim.

L’HOMMEPourquoi êtes-vous seuls ici tous les deux?

L’ENFANT.
Parce que maman est morte et papa a été pris par les gendarmes, et nous n’avons plus de maison et nous sommes tout seuls.

L’HOMME
Pourquoi les gendarmes ont-ils emmené ton papa ?

L’ENFANT
Je ne sais pas, peut-être pour lui donner du pain, il n’en avait plus.